Du Drama et des tartines

J'écris et parfois, j'angoisse. J'essaie de combiner les deux.

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Par Sarah Bocelli
14 avr. · 6 mn à lire
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[Writing logs#14] Pourtant, que la montagne est haute ! ou comment démarrer l’écriture de son roman

Car, pour rappel, les romans et autres épopées fantastiques qui habitent les univers de vos esprits chatoyants ne s’écrivent pas toute seules. Et, oui, c’est toujours scandaleux.

💡 Attention, ce [writing log] est long comme ma… mon… un… est un peu long ! Il est recommandé de s’installer confortablement (#cozycore) pour en apprécier la lecture.

Oh, et comme je vous comprends. Suite à mon [writing log] décrivant mes techniques de correction d’un manuscrit, j’ai reçu plusieurs retours qui m’ont fait réaliser deux choses, forcément essentielles : la première, que j’ai commencé par parler de la correction, et donc par la fin ; et la seconde, que les articles sur les techniques d’écriture en général excitent un certain intérêt. Qui n’est pas sans trahir une angoisse certaine. 

Écrire un roman, oui ! Mais comment ?! Par quel chemin entamer la montagne qui se dresse devant soi, m’a-t-on demandé, au comble du désespoir larmoyant.

Et me voilà qui débaroule, sans panache ni chapeau, pour expliquer comment ça se passe quand on a fini (le premier jet), alors que vous êtes nombreuses et nombreux encore coincé·e·s devant le portail céleste du processus créatif en attendant d’avoir la Réponse à la Première Question : par où on commence, bordel ?

Je vous rassure, ledit processus créatif est loin d’être linéaire. Il est cyclique : on y revient toujours. Ma propre situation est celle dont je parle le mieux, mais je reste persuadée que même les auteurices à succès, une fois un roman terminé, doivent revenir pointer devant le portail. Et tout recommencer.

À la réflexion, je ne suis pas sûre que ça vous rassure.

Bon.

Gardons le cap. Clarifions la problématique. Vous avez une idée de roman – voire de saga. (Ça arrive aux meilleur·e·s d’entre nous.) Vous avez peut-être rempli des carnets entiers avec vos idées, recouvert votre bureau de post-it, dessiné vos personnages… Qui sait, certain·e·s d’entre vous auront sans doute un conspiracy board dans leur chambre. Ou alors, à l’inverse, tout est resté dans votre tête. Un univers foisonnant, à n’en pas douter. Mais vous ne savez pas comment vous y prendre pour le concrétiser.

Alors, commencer à l’écrire pour de vrai, ohlala. L’acte d’écrire n’a-t-il pas quelque chose du sacrilège, au fond ?

Et la motivation ? On en parle, de la motivation ? C’est qu’il en faut, pour transformer une idée en un vrai petit roman. C’est pourquoi, avant de vous présenter ma méthode personnelle, je me dois de tuer dans l’œuf l’espoir pernicieux qui pourrait vous induire en erreur :

il n’y a pas de méthode magique.

Ceci étant fait, que les plus émotif·ves épongent leurs larmes, j’envoie les premières slides.

Qui, du plan ou du synopsis ? Une méthode d’écriture qui fait de son mieux

Entendons-nous bien : commencer à écrire un roman soulève deux problématiques. Celle que nous allons aborder aujourd’hui concerne la préparation et la structuration du roman. Tout ce qu’il faut faire avant d’être en mesure de se lancer en sachant où on va. Pour ce qui est des manières de gérer un blocage au moment d’écrire la moindre ligne… Je pense que le sujet mérite que l’on s’y penche dans un article dédié. Ce sera donc pour la prochaine fois.

Autre et ultime avertissement : la méthode d’écriture que je m’apprête à décrire n’a pas vocation à être universelle. Ni même parfaite. Il s’agit des étapes, plus ou moins figées, que j’ai intégrées progressivement dans mon processus personnel à force d’expérience. Malgré la nébuleuse dans ma tête, c’est l’approche qui s’accorde encore le mieux à ma façon de penser ; vous pourriez avoir besoin de l’adapter, ou d’en trouver une autre.

Quoi qu’il en soit, j’appelle celle-ci – à tort ou à raison, là n’est pas la question – la Méthode de l’Entonnoir.

(Je mets des majuscules pour le plaisir de l’esbroufe, et parce que le mot « entonnoir » est autrement bien décevant.)

Sans surprise, elle consiste à commencer par déblayer très large avant de préciser le projet étape par étape. Jusqu’au moment où les fondations de l’histoire sont assez solides pour pouvoir commencer à avancer dessus. Étapes que voici.

 

#1 – la phase d’incubation

Indubitablement l’étape la plus sympa. La phase d’incubation n’implique rien de plus que de commencer à rassembler vos idées dans un premier effort de structuration.

Vous aviez des post-it partout ? Des carnets éparpillés ? Un monde dans votre tête ? Il est temps de choisir un support unique pour y amener toutes vos idées (et dans les ténèbres les lier). Vous ne vous limitez qu’en termes de support. Pour le reste, c’est plus que jamais le moment de vous lâcher, de faire du brainstorming avec vous-même, de balancer vos idées en vrac, et faites-le subir à votre chat excédé s’il le faut. Carnet ou document Word, même combat ! Notez jusqu’à des extraits de dialogues que vous trouvez trop cool, et tant pis si vous ne savez pas où ils s’insèrent dans l’histoire, ni si vous finirez par les utiliser.

Notez toutes vos idées, les bonnes et les moins bonnes, du moment que leur seule mise au monde sur une page blanche vous procure une palpitante allégresse. Notez même si, au premier abord, elles semblent dispersées. Car en commençant à rassembler vos notes éparses, un bébé de structure, croyez-le ou non, va timidement se dégager du chaos.

D’où l’importance de noter les idées qui vous plaisent. Vous aurez envie de lire et relire votre document. La trame n’en sera que plus simple à distinguer.

 

#2 – la phase d’arrière-plan 

Ouvrez un nouveau document. L’univers de votre roman prend forme, il faut battre le fer tant qu’il est encore chaud. En général, cette étape est toujours un petit plaisir (coupable) : vous allez faire joujou avec vos personnages.

Votre univers ne deviendra vivant qu’en y insérant la vie. Ce qui paraît, euh, évident, dit comme ça, mais pas tant. Vous pourriez en effet penser qu’avec un « simple » synopsis détaillant votre histoire du début à la fin, votre histoire serait toute prête à être écrite. C’est possible – c’est peut-être la méthode qui vous réussira. Mais je reste persuadée que les personnages jouent pour 50% (au moins) de la tournure que va prendre le récit. Si vous créez de bons personnages, avec des envies, des objectifs, des passés troubles ou rythmés par la monotonie… Non seulement vous allez étoffer votre histoire, lui donner une réelle profondeur, mais les électrons libres que vous aurez ainsi animés pourrons vous faire emprunter des retournements de situation que vous ne soupçonniez pas.

Travailler ses personnages, c’est commencer à orienter l’intrigue, le fond autant que la forme. Ils vont exister quelque part, et ainsi influencer l’univers dans lequel ils évoluent. Ils vont exister d’une certaine manière, et ainsi vous interroger sur le type de narration à employer, l’organisation des chapitres, etc.

Bref, faites des fiches de personnages. À vous de voir comment, et jusqu’où aller dans les détails. Expérimentez. Vous ne ferez peut-être pas de la même manière sur un autre projet.

Et si vous voulez construire une mini-encyclopédie de l’univers de vos personnages, go for it. Tant que ça vous fait kiffer. C’est important.

 

#3 – la phase de planification (niveau standard)

À ce stade, votre histoire, si elle conserve encore des parts d’ombre, s’est au moins enrichie. Peut-être avez-vous eu des épiphanies. Peut-être avez-vous-même emprunté des directions un peu différentes. L’heure est venue de faire le point.

Ici, l’objectif est de résumer l’intrigue. Vous adopterez pour cela la forme qui vous paraît la plus adaptée. Mais si vous manquez encore de confiance en vous, je ne saurais que trop vous recommander d’insérer un mini-entonnoir dans l’entonnoir, et de vous plier à plusieurs exercices de synthèse – du résumé vague au synopsis détaillé. Ce qui donne, par exemple :

1. Un résumé/pitch : un court texte, je dirais d’une demi-page maximum, avec des allures de 4e de couverture. Vous résumez votre histoire pour donner envie de la lire, ou vous hyper vous-même. De quoi s’agit-il, que se passe-t-il, pourquoi, quel est l’enjeu… Bon, si vous n’avez pas encore tout à fait la réponse à la question « que va-t-il se passer ?! », ce n’est pas grave. Calmez-vous.

2. Un plan : là, par contre, il va être temps de préciser tout ça. Dont la fin. (Oui, vous pouvez commencer à hyperventiler.) Car, par plan, j’entends une description des éléments principaux du récit. Il y a plusieurs manières de faire votre plan. En organisant les événements clés par ordre chronologique. En s’appuyant sur le schéma narratif (situation initiale, élément perturbateur, etc.). Voire, pour les plus avancé·e·s/méticuleux·ses/organisé·e·s, une courte description des événements chapitre par chapitre.

Note : en préparant un plan, vous ne gravez dans le marbre ni la fin de votre histoire, ni aucun autre élément. Vous ne vous enchaînez jamais à un plan, et votre histoire peut connaître des modifications plus ou moins majeures au cours de son écriture. L’objectif de la préparation est de se donner une direction. Un cap. Que dis-je. Une péninsule. Bref, vous devez être plus solides sur vos appuis en déterminant où vous voulez aller. Tant pis/tant mieux si vous déviez un peu en cours de route.

3. Un synopsis (détaillé ou non) : c’est là que tout se complique. D’une part, parce que si vous en êtes déjà au stade où vous avez découpé votre roman en chapitres, vous n’avez pas forcément besoin d’écrire encore un synopsis très détaillé. Et d’autre part, parce que si vous êtes dans la position inverse, cet exercice risque de vous faire suer par tous les pores.

[Cette note étant déjà trop longue, et suant déjà moi-même à des endroits peu distingués, je ne vais pas m’étendre davantage sur chaque exercice. Mais nous pourrions en reparler à une autre occasion si tel était votre désir.]

 

#3 bis – la phase de planification (niveau hard core) – facultatif

Honnêtement, appartenant au côté chaotique de la Force, cette étape me provoque des palpitations. J’insiste, elle est facultative. Elle n’est là que pour ravir les Disciples de la Rigueur Absolue, qui mangent du tableau Excel au petit déjeuner. (Ou tout au moins s’en servent beaucoup.)

Je m’adresse donc à vous, oui, vous. Qui venez d’ajouter une formule à votre tableau pour calculer automatiquement vos dépenses du mois passés. (Je dis peut-être n’importe quoi, je ne sais pas comment ça marche.) Ravi·e·s de trouver par ici, pour une fois, un semblant de méthode, vous avez scrupuleusement suivi chaque étape, réalisé chaque exercice. Le résumé, le synopsis et le plan détaillé chapitre par chapitre, tout !!

Eh bien sachez que l’Heure est venue pour vous de planifier entièrement votre roman dans un de ces tableaux que vous affectionnez tant. Allez-y donc ! Décrivez chaque chapitre, avec sa durée, les protagonistes qu’il concerne… Peut-être même le style narratif, avec des codes couleurs adaptées, qu’en sais-je.

Faites-le, si cette étape s’insère dans votre processus créatif. Mais n’oubliez pas de vous poser cette question essentielle : cette étape de planification est-elle nécessaire… ou êtes-vous en train de repousser le moment d’écrire ?

Je ne dis pas que trop d’organisation tue l’organisation. Je dis juste que l’auteurice, ordonné·e ou chaotique, est son ou sa pire ennemi·e et trouve donc toujours des moyens de s’auto-saboter l’air de rien. Bisous.

 

#4 – la phase de deuil, ou « y a plus qu’à »

Eh oui, il est temps de vous faire une raison : vous avez bien bossé, les fondations de votre roman sont solides, et il ne reste plus qu’à… commencer à écrire. 

En attendant l’article promis avec des astuces pour lutter contre un blocage, la maison vous recommande d’aller prendre un peu de sel dans un article qui se contente de râler de façon improductive. Qui sait ? Tout ce travail pourrait justement avoir suffi à vous insuffler la motivation nécessaire, et vous avez envie d’écrire, même si chaque paragraphe n’a pas à être un long fleuve tranquille.

Quoi qu’il en soit, suivez bien sûr votre instinct, mais n’hésitez pas à prendre une pause. Ce n’est pas rien, tout ce que vous avez fait. Vous pouvez vous tapoter la tête avec condescendance pour vous féliciter. Prendre un peu de recul avant de vous y remettre. Et si vous n’arrivez pas à vous le dire, je vous le dis (en vérité) : bravo.

Et à bientôt pour de nouvelles aventures, si possible pas aussi longues que ma… que mon… que ce [writing log] beaucoup trop sérieux.


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