Du Drama et des tartines

J'écris et parfois, j'angoisse. J'essaie de combiner les deux.

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Par Sarah Bocelli
31 janv. · 2 mn à lire
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[Writing logs#11] « Il faut encore porter en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante »

Rien de tel que de citer Nietzsche dès le titre et sans typo dans son nom pour poser une ambiance.

Bien évidemment, comme 95% des personnes citant Nietzsche, je n’ai pas lu Nietzsche et j’ai tapé son nom lettre par lettre à partir d’un modèle. Enfin, la première fois – les fois suivantes, je serai honnête, j’ai fait un copié/collé pour m’épargner quarante-sept vérifications anxieuses supplémentaires.

Je ne suis pas opposée à lire Nietzsche pour de vrai. En particulier Ainsi parlait Zarathoustra (seulement vingt-quatre vérifications anxieuses ici), dont est issue la citation. Mais ma pile à lire, en bonne nerd littéraire, faisant partie intégrante du mobilier en tant que fauteuil, je n’y vois pas d’urgence. En attendant, je me permets donc d’apprécier une citation arrachée de son contexte, et de me délecter de la signification que j’ai arbitrairement choisie d’en tirer. Car les citations, c’est un peu comme les crushs littéraires : y a peu moyen d’être déçue tant qu’on ne nous force pas à voir la réalité en face.

Et elle m’est venue, cette citation, alors que je pestais comme souvent de ne plus savoir dans quel document, rangé dans quel dossier, j’avais écrit un morceau de note important pour la suite de l’écriture d’un synopsis. Je tentais une introspection risquée pour retrouver le cheminement de pensée qui m’habita au moment d’écrire puis de sauvegarder quelque part ladite note, tandis qu’un doute sourd grondait déjà dans ma frêle poitrine : las ! n’étais-je point l’esclave de mes propres idées fulgurantes, connues pour surgir des tréfonds de mon cortex nébuleux aux moments les moins opportuns, me vouant pour toujours à ne gratter celles-ci avec la frénésie du désespoir que sur le premier carnet – au mieux ! – ou morceau de papier – le plus souvent ! – qui me passerait sous la main ?

Bref, est-ce que cette foutue note dont je suis à 95% certaine de l’existence n’est pas encore qu’un gribouillis sur un post-it ?

Vous l’aurez compris, car ma démonstration est limpide : je me considère en toute humilité comme une autrice de type chaotique. C’est donc un peu par curiosité, encore un peu plus par procrastination, que j’ai cherché « chaos + citation », telle l’hypocondriaque en quête d’approbation, dans l’espoir de trouver un.e auteurice rodé au processus créatif qui aura mis des mots sur ma situation. Au passage, si ça peut me flatter un peu le plumage, on va pas se plaindre.

Car oui ! Merci Nietzsche ! (On ne se lasse jamais de la fonction copier/coller.) C’est bien ainsi que je le conçois, ce foutu processus créatif. Des mois et des mois, voire des années à couver des liasses de brouillons comme des pelotes emmêlées dans sa tête, tellement difficiles à reproduire sur papier qu’ils ne peuvent qu’alimenter le chaos… Des mois et des mois supplémentaires à démêler les fils pour les relier entre eux et tisser la trame qu’ils devaient être depuis le début. Alors, je dis pas : il y a sans doute des auteurices de type organisé. D’ailleurs, on en a déjà parlé. Preuve s’il en fallait encore que la question du chaos dans le processus créatif est un sujet qui me hante.

Peut-être que je tiens un truc. Peut-être aussi que je cherche simplement à me réconforter quand je dois rassembler et synthétiser mentalement une trentaine de notes éparses pour savoir où je vais avant de commencer à écrire un paragraphe. Peut-être que je me bats bien depuis trente ans avec un TDAH et qu’un jour je finirai par me faire tester. Peut-être, alors, que je me raccroche à la beauté du chaos quand je tente pour la sixième fois de la semaine de trouver un système d’organisation capable de compartimenter la nébuleuse dans ma tête.

Faut avouer que l’image est flatteuse : après tout, les nébuleuses sont certes de gros bordels de gaz et de poussière et plus si affinités – mais c’est ce qu’elles sont qui permet de donner naissance à des étoiles.

Ainsi, voilà. Un peu (beaucoup) de chaos personnel est inévitable pour créer. Change my mind.


Photo de Karina Vorozheeva sur Unsplash